Célébration de la Journée internationale des Archives (JIA) : Saint-Louis rate sa deuxième édition
Au moment où la communauté internationale s’apprête à
célébrer la Journée Internationale des Archives (JIA) ce 09 juin 2018, la ville
de Saint-Louis aura raté sa deuxième édition, après une JIA 2017 fêtée en
grande pompe par les professionnels des Archives et les Autorités administratives
et ses partenaires. Sur fonds de désolation sans précédent suite aux évènements
tristes du 15 mai 2018 (la contestation estudiantine a enflammé la vieille
ville tricentenaire ayant occasionné la mort d’un étudiant de l’Université
Gaston Berger) que le Comité préparatoire de l’organisation de la 2ème
édition a finalement décidé de sursoir aux préparatifs et d’ajourner la
manifestation qu’il comptait organiser le 08 juin 2018 à l’UGB mettant ainsi fin
à l’initiative de la JIA 2018 à Saint-Louis. Inutile de revenir ici sur les
causes de ces évènements malheureux. Ceci n’est pas l’objet de notre propos.
[UW1] Notre propos veut se focaliser surtout sur les
saccages à l’Université et leurs lots de conséquences sur une partie des archives du Rectorat et de la
Direction du Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROUS), [UW2] de la Scolarité et de l’ACP – Agence Comptable Payeur.
En effet, lorsque la presse a relayé l’information selon laquelle les bâtiments
abritant ces structures névralgiques à l’UGB venaient d’être saccagés et
incendiés par les manifestants ce qui a occasionné la perte de beaucoup
d’archives, le Chef du Service régional des Archives[1]
et moi-même, Chef du Centre de Documentation et des Archives se sont rendus sur
les lieux afin de constater les dégâts enregistrés. Bien que le nouveau Recteur
ait annoncé à travers la presse que l’étendue des dégâts est en train d’être évaluée.
Mais ce qu’il faut surtout noter après ce constat, c’est que certainement une
partie du patrimoine documentaire de l’UGB a été consumée avec des conséquences
incommensurables et inestimables.
En effet, lors de ces évènements, les biens mobiliers
comme immobiliers ont été saccagés rendant ainsi non fonctionnels certains
services de l’Université notamment le Centre Régional des Œuvres Universitaires
(CROUS) et le Rectorat qui renferment en son sein plusieurs directions. Aujourd’hui,
une partie du personnel technique et administratif (PATS) de l’Université est
en chômage technique parce que n’ayant plus de bureaux fonctionnels (ni
fauteuil, ni table de travail, ni ordinateur, ni onduleur, ni photocopieur, ni
courant, ni toilettes, etc.) et de documents de travail c’est-à-dire les
archives qui jouent le rôle essentiel dans le fonctionnement d’une
administration.
Peut-être nos jeunes frères étudiants qui sont les
premiers clients de l’Administration de l’Université, ignoraient
lorsqu’ils détruisaient et mettaient le feu au CROUS et au Rectorat qu’ils anéantissaient
leurs propres biens, fussent-ils biens immatériels. Cette situation désolante
et indescriptible selon le constat qui a été fait sur place, démontre à
suffisance que les étudiants ont détruit une partie du patrimoine documentaire
récente voire courante et même âgée de plusieurs années de la vie de cette
université.
En conséquence, il ne faut pas s’étonner que dans les
prochains jours, mois ou années que ces deux structures ne puissent pas délivrer
à un des étudiants casseurs ou à leurs aînés qui les ont précédés, un
acte ou une décision attestant un grade pouvant leur servir à
poursuivre leurs études ailleurs ou à prétendre à un emploi. Ou encore qu’un partenaire ou prestataire
réclame des factures déjà réglées ou que l’on ne puisse pas prouver
à un partenaire financier (comme c’est le cas actuellement avec le CDP[2])
que les fonds mobilisés pour tel ou tel projet ont été injectés dans les
domaines convenus. Ou, pour des fins historiques, les chercheurs, les
universitaires, les étudiants n’ont plus les données factuelles consignées la
plupart du temps dans les documents pour étayer des faits de l’histoire de
l’UGB. Ou à cause de ces saccages, les documents relatifs à la construction des
immeubles de l’Université sont perdus (plans des bâtiments, plans
d’installation de la plomberie ou de l’électricité, etc.) quels gâchis ? Alors
que la Déclaration Universelle des
Archives (DUA) adopté par l’UNESCO en 2011 établit que « les archives
constituent un patrimoine unique et irremplaçable transmis de génération en
génération ». Autrement dit ce patrimoine immatériel se caractérise par son
unicité et de ce fait la responsabilité des générations actuelles
devant être engagée pour en prendre soin et les préserver. Car toujours un
acte, une décision est toujours prise dans un contexte particulier et concerne
l’avenir d’un individu, d’une communauté ou d’un pays. D’où l’engagement que
doit manifester les générations actuelles à les préserver et à les léguer, dans
de bonnes conditions, aux générations futures.
En effet de quoi s’agit-t-il ?
Il s’agit de la mémoire, de la construction de
l’avenir avec sérénité et assurance. D’où aujourd’hui se pose le
problème de la gouvernance de nos archives face aux menaces multiformes dont elles
font l’objet. Les faits sont encore là pour l’étayer. En 2016, l’école primaire
Cheikh Touré de Saint-Louis a fait l’objet de saccages par des manifestants
fous et furieux. En 2011, nous avons aussi assistés aux émeutes de
l’électricité où des bâtiments publiques (mairies) et ceux de la SENELEC ont
été incendiés. Cette année, il a fallu de peu que le Centre de Documentation et
des Archives (CDA)[3]
de l’OMVS ne soit mis à sac par les manifestants Guêt-ndariens qui protestaient
contre la mort d’un pêcheur tué dans les eaux mauritaniennes. Tout ceci a eu
comme conséquences, la perte de la mémoire de ses sociétés et un handicap pour
plusieurs citoyens, qui pour certains, ont du mal disposer de leur pièce d’état
civil et pour d’autres la perte d’un document leur permettant de se justifier.
D’où la nécessité d’un programme national de
sensibilisation accrue sur l’importance des archives en direction des citoyens
que nous sommes afin de les préserver pour le bon fonctionnement de nos
administrations et pour les besoins de mémoire pour les générations futures. Car
on ne le dira jamais assez, un peuple sans histoire est un peuple sans âme et
les archives constituent les matériaux qui fixent l’histoire.
Dans quelques jours c’est-à-dire le 09 juin prochain,
la Communauté archivistique célébrera la Journée Internationale des Archives ;
Dakar la fêtera avec comme maître-d’œuvre la Direction Nationale des Archives
du Sénégal. J’espère qu’à cette occasion, elle saisira ce prétexte pour attirer
l’attention des uns et des autres sur le rôle important des archives comme garant
de notre citoyenneté, de notre identité et de notre carrière scolaire,
universitaire voire même professionnelle et surtout en milieu
universitaire car l’actualité oblige.
Peut-être que l’année prochaine, l’occasion s’y
prêtera à Saint-Louis pour que les professionnels et les universitaires célèbrent
les Archives et jouent leur partition dans cette stratégie de sensibilisation de
toutes les couches de la Société sur l’importance et le rôle des archives
dans la vie et le progrès des nations.
Par
Babacar DIONG,
Chef
du Centre du Centre de Documentation et des
Archives
(CDA) de l’OMVS
[1]
Le Service Régional des Archives est logé à la Gouvernance de Saint-Louis
[2]
Contrat de performance
[3]
Situé à Ndar-Toute dans le quartier de Santhiaba à Saint-Louis
Commentaires
Enregistrer un commentaire